Descriptif
GTao : Bernard Lietaer, vous évoquez dans votre livre l’intérêt d’intégrer au niveau monétaire la philosophie taoïste Yin-Yang. Pourquoi ?
Bernard Lietaer : Si vous ne cultivez qu’une dynamique Yang dans votre corps, vous n’allez pas rester en bonne santé. Il en va de même pour la monnaie. Le système financier est instable parce qu’il manque de diversité.
Le monopole de la monnaie, ce que j’appelle la monoculture de la monnaie, entraîne un excès de Yang qui, par définition, va péricliter et cela, de façon régulière.
GTao : Quelle conclusion faut-il en tirer au niveau monétaire ?
B. L. : Il doit exister d’autres monnaies, plus Yin.
GTao : En quoi la monnaie, dite traditionnelle, est-elle Yang ?
B. L. : C’est un phénomène Yang sous bien
des aspects. D’une part, elle est créée hiérarchiquement. Et d’autre part, c’est un jeu compétitif qui crée une pensée à court terme. Ce n’est sans doute pas un hasard s’il n’y a jamais eu de femme nommée gouverneur de la Banque centrale. C’est une structure totalement Yang qui provoque des réactions Yang chez la population. Pour survivre dans cette économie, chacun doit devenir agressif et possessif.
GTao : Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui ce système soit dominant ?
B. L. : Il existe plusieurs éléments d’explication. L’un d’entre eux : toutes les sociétés patriarcales ont imposé un monopole monétaire. Pour qu’une société s’équilibre, il faut trouver un autre système monétaire qui compense ce déséquilibre. Le point culminant d’une monnaie Yin, c’est le don. Dans ce cas, il n’y a plus de mesure, plus de réciprocité. Ce cadeau créé la communauté. C’est ce que dit Marcel Mauss. Mais je ne pense pas que nous soyons prêts à vivre de dons purs. Il
existe néanmoins de nombreuses solutions intermédiaires. Les monnaies complémentaires par exemple.
GTao : Comment envisagez-vous l’avenir ?
B. L. : Nous nous avançons vers un écroulement du système mondial. Je n’aime pas travailler à partir de la peur, mais dans les années 1930, la solution qui a été trouvée fut la guerre, pas le New Deal.
Gtao : Ce parallèle est inquiétant !
B. L. : Oui, bien sûr. Mais un peuple qui s’appauvrit est un peuple qui n’a plus rien à perdre. La classe moyenne aujourd’hui n’existe plus. Et dans ce cas, la démocratie n’existe plus non plus. Selon Mussolini, le fascisme est né d’une concordance d’intérêts entre l’Etat ...