Descriptif
Gtao : Vous avez souvent relaté dans vos livres votre expérience du chamanisme ?
Alexandro Jodorowsky : J'ai eu l'expérience du chamanisme jusqu'à un certain point, parce que j'étais en contact avec des guérisseuses, des guérisseurs, des “charlatans” des villes. Un chaman, c'est quelqu'un qui vit dans une ambiance primitive, et qui guérit sur place avec les éléments que la nature lui donne, en ayant recours à un matériel hallucinogène.
Le chaman des villes va importer en ville des techniques qui sont forcément liées à d'autres endroits. Or le chaman est, encore une fois, en rapport intime avec le lieu dans lequel il exerce. Son action s'adresse même à des personnes qui sont nées sur le même terrain. Un chaman de Sibérie ne va pas guérir comme un chaman d’Amazonie. C'est pourquoi, pour moi, le chamanisme des villes est une monstruosité. En ce qui me concerne, j'ai donc fait des expériences avec des guérisseurs des villes. Ce n’étaient pas précisément des actes chamaniques, c'étaient des opérations pour rendre la santé aux gens.
Gtao : Vous avez pourtant fondé une technique de psychothérapie que vous appelez psychochamanisme ?
A. J. : C'est différent. Je ne prétends pas importer des techniques chamaniques traditionnelles. Partant du constat qu'on ne pouvait importer dans les villes les techniques chamaniques traditionnelles, je me suis posé la question de savoir quelles techniques on pouvait utiliser en ville. Et je me suis dit que si le chaman utilise un corbeau, ou un champignon, je peux utiliser un téléphone portable pour guérir, une banane achetée au supermarché, ou même un big-mac ! On ne peut pas transporter le chaman, ni les éléments qu'il utilise. On ne peut que faire des techniques similaires, ou s'inspirer de ces techniques. C'est ce que j'ai essayé de faire avec le psychochamanisme.
Gtao : Vous pensez qu'on ne peut pas être en même temps occidental, dans le sens de “civilisé”, et chaman ?
A. J. : On peut essayer, c'est une très belle intention, mais jusqu'à un certain point. Il faut être conscient de ses limites, ne pas se tromper soi-même, en pensant qu'on est un chaman. Dans une ville, hors d'un contexte naturel précis, et en présence d'individus d'une autre origine, on ne l'est pas. Si on a affaire à des gens naïfs, on peut avoir recours à des tricheries sacrées. Ainsi, l'autre jour, une femme est venue me voir, absolument ...