Descriptif
On entend couramment dire qu’il y a trois religions en Chine, le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme, mais on parle moins souvent du nom qu’on leur donne en chinois : san jiao. San veut dire trois, et jiao, enseignement. On aura rarement eu la main plus malheureuse pour fournir un équivalent occidental à san jiao que : trois religions, dit le Père Larre, Jésuite, ordonné prêtre en 1947 à Pékin, co-fondateur de l’Institut Ricci et maître d’œuvre du grand dictionnaire de la langue chinoise. Et lui qui était ardent homme de religion, n’hésitait pas à dire : Le Confucianisme n’est pas une religion, le Taoïsme est un ensemble de pratiques vitales avec des aspects religieux ; le Bouddhisme, philosophie de l’existence importée des Indes, est ce qui ressemble le plus à une religion organisée, à dominante monastique.
La confusion des -ismes
Alors d’où peut venir cette confusion ? De la manière dont nous nommons les choses en français et de la prégnance d’une rime, cet -isme qui nous sert à désigner tous les systèmes religieux, dogmatiques ou philosophiques : christianisme, protestantisme, manichéisme, brahmanisme, tout autant que : capitalisme, marxisme et même, c’est un comble : athéisme. Par cette rime, nous enfermons les manifestations majeures de la spiritualité chinoise dans l’idée que nous avons d’une religion. Or, même si le Taoïsme a fini par s’organiser en église, si le Bouddhisme comporte des prescriptions matérielles précises (alimentaires, sexuelles, etc.) et le Confucianisme des prescriptions morales explicites, il leur manque, à l’un comme à l’autre, le fondement même sur lequel reposent depuis cinq mille ans toutes les religions nées dans l’espace indo-européen : la croyance en l’existence d’un dieu (le mot même n’existe pas en chinois), un être transcendant, c’est-à-dire extérieur au monde humain, supérieur, créateur de l’univers et, détail moins souvent souligné, masculin.
Quelle réalité strictement chinoise recouvre le terme jiao ?
Jiao est un caractère très ancien, il accompagne la pensée chinoise depuis toujours. On le trouve déjà dès 1500 avant notre ère. Ses toutes premières graphies réunissent trois dessins d’idées : celle d’un enfant, celle d’une autorité de référence et celle d’une matière digne d’apprentissage. Au fil du temps, le caractère évoluera dans deux directions. D’un côté, il se rapprochera de l’idéogramme désignant la piété filiale, et de l’autre, il précisera les idées d’autorité et d’enseignement en représentant, plus spécifiquement pour la première, les fissures divinatoires des ...