Descriptif
Liberté…
Ce mot sonne à mon oreille comme les cloches de ces navires qui par temps de brouillard tintaient pour signaler leur présence. Au cœur de leurs entrailles, aud fond de cales, pour toute marchandise, des êtres humains ! Le fond de ces bateaux porte pour toujours l’empreinte indélébile de ce commerce homicide marquant à jamais nos mémoires. A cette évocation…A cette évocation, mes yeux se voilent, mon regard flotte dans le vague, il n’y a plus rien qui puisse le retenir… A la surface de ma chair plus aucun mouvement, je ne suis plus qu’une mer d’huile tandis que dans le tréfonds de mon être, c’est un raz-de-marée d’images, de souvenirs et de récits qui se mélangent et me submergent. Alors, devant mes yeux grands ouverts et pourtant fermés à ce qui se déroule devant eux, s’ouvre au même instant au-dedans de moi une porte sur un espace transpersonnel qui me donne accès à toute la mémoire collective de tous ces corps charriés par ces flots vivant au travers de mes propres cellules. Tous, oui tous, étaient mes ancêtres… Qu’ils eurent été entravés par des chaînes ou qu’ils eurent été ceux qui entravaient par ces mêmes chaînes. Qu’ils eurent été ces êtres humains à la liberté volée, jetés par-dessus bord dans le fin fond de l’océan, les fers aux pieds, ou ces voleurs de liberté qui les jetaient par-dessus bord. C’est cet héritage, cette mémoire de sang, de vie et de mort, cette mémoire métissée qui coule dans mes veines, qui s’anime alors en moi.
Je me souviens…
Je me souviens de la première fois où j’ai posé les pieds sur la terre des Antilles… Les portes de l’avion s’ouvrent, je suis littéralement enveloppée et écrasée par la chaleur. Aussitôt, une foule d’odeurs que je ne connais pas emplissent mes narines, à me couper le souffle. Je suis comme plantée et j’ai peine à avancer un pied devant l’autre tant le poids de cet héritage, sans le savoir encore, pèse sur mes épaules. J’ai à peine dix ans et je ne me doute pas alors que les incidents que je vais y vivre ont un lien avec cette mémoire ancestrale. Par deux fois, j’ai risqué de me noyer. Par deux fois j’ai été sauvée de justesse de la noyade. Ces deux événements n’avaient apparemment laissé aucune trace en moi car j’avais ensuite continué cet été-là à nager dans les ...