Descriptif
Les Anciens étaient dans une sorte d’état de confusion qui faisait partager avec toute leur époque la paix et le détachement. En ce temps-là, l’Obscurité et la Lumière s’équilibraient harmonieusement, les êtres ne cherchaient pas à se nuire, personne ne mourrait prématurément. Bien que doués d’intelligence, les hommes ne s’en servaient pas. C’était l’époque de l’unité parfaite. Personne n’agissait, tout se déroulait toujours naturellement.
Zhuangzi
Dans ces lignes de Zhuangzi se trouvent la plupart des thèmes inévitablement abordés lors d’une quête spirituelle : confusion, partage, paix, détachement, obscurité, lumière, équilibre, harmonie, intelligence, unité, perfection, non-agir, nature. On pourrait certes allonger cette liste mais il existe un mot qui la résume parfaitement, un mot sans cesse purifié par les larmes et régénéré par le rire, un mot sans commencement et sans fin, un mot simple, un mot d’amour : Vie. A ce stade, un familier du Tao affirmerait que tout est dit et, sans plus se soucier de philosophie, irait paresser au soleil ou vider un pichet de vin en chantant sous la lune. Nous, habitués que nous sommes à ne nous conformer qu’à ce que nous comprenons, avons besoin de plus que cela pour nourrir notre intellect, cette fameuse boîte à comprenette qui mobilise environ trois pour cent du dixième de notre cerveau et à laquelle, cependant, nous accordons tant d’importance! Parler d’éveil spirituel est comme disserter sur le Tao, un vain bavardage. Parler de ceci ou de cela est considérer que ceci et cela ont des natures différentes alors que s’éveiller spirituellement permet de saisir la nature commune à tout être et toute chose. C’est ce que signifie Zhuangzi quand il emploie le terme de confusion dans son acception originelle, à savoir cum (avec) fundere (fondre). Les Anciens, nous dit-il, étaient fondus avec. Avec quoi? Avec le Ciel et la Terre, avec les autres êtres humains, les animaux, le minéral, le végétal, tous les éléments de la Création et la Création elle-même. Ils ne distinguaient pas le chêne du roseau ni le lièvre de la tortue, ils ne se distinguaient pas les uns des autres et, bien que vivant sur Terre, ils n’avaient pas coupé leurs racines célestes. L’état de confusion dans lequel ils évoluaient faisait-il d’eux des crétins qui mangeaient des cailloux, buvaient du sable et forniquaient avec des cactus ? Zhuangzi n’a pas l’air de le croire. La confusion à laquelle il se réfère est celle d’un Jésus, d’un Bouddha, ...